Comme beaucoup, je suis un musicien sans public, quelqu'un de très créatif qui n'entraîne personne dans ses fulgurances, arrêtées qu'elles sont, en pleine course, par une inspiration capricieuse et une insatisfaction permanente.
Mais peut-être est-ce juste que ma musique n'a que peu d'intérêt, peut-être parce qu'on sent parfois qu'elle pleure le fait de ne pas être aimée, qu'elle a mis trop de rouge aux joues pour être naturelle, ou alors qu'elle fait pas assez la pute, qu'il faudrait que j'y mette un peu plus de porno chic, de guitares saignantes et tranchantes pour bien montrer combien je suis déchiré à l'intérieur, combien je suis beau dans la tristesse et la révolte de mon 60m2 sponsorisé et subventionné et qu'il faudrait que j'y mette un peu plus de faux jeune, de botox et de ritournelles shanana avec un super cul.
C'est que j'ai pas dû lire les bons bouquins, pas écouter les bonnes musiques. C'est que je veux pas écouter ce que la société me dit tout le temps: TERMINE CE QUE TU AS COMMENCÉ
Et si MOI je savais pas finir !? Et si je ne savais pas achever moi, hein ?! Et si la fin m'emmerdait ? Et si les fins m'emmerdaient ?
Et si j'aime, moi, payer mes amendes avec 50% de majoration parce que ça me fait chier de payer tout de suite ?
Et si j'aime prendre la décision de parler à cette fille 23 secondes après qu'elle a disparu dans le tram, hein ?
Et si j'étais pas assez un super-héros pour empêcher le bébé de brûler dans l'incendie ?
Hey Platon, je te confirme. On nous donne tout avant et on nous prend tout après.
Le problème, c'est que mes déchirures sont lancinantes, qu'elles sourdent et qu'elles ne sont pas excitantes à voir, à entendre: ma vie s'étale dans sa plus grande banalité, sans de trop fortes baffes et sans trop de méchantes caresses.
Oh mais t'inquiète, j'ai assez d'éducation pour pas me retrouver en prison.
Et si c'était ça le problème.
Une musique qui n'est jamais allée en prison peut elle connaître la liberté ? Tu le vois venir mon cliché ?
Je rigole, pauvre type !
Non, y a pas de règle.
Non. Les affamés ne sont pas les plus gentils et les affameurs ne sont pas les plus méchants.
Allez, va.
Ne jamais exclure qu'on ait pu naître sans la moindre once de talent, ni de charisme.
Voilà une pensée qui me rassure.
Ah ben si, c'est quand même rassurant.
Et en plus, c'est là que le travail commence.
C'est là que la musique commence.
Tu n'es personne. Tu n'es qu'une note et ce qu'elle va devenir.
Longue, courte, forte, mezzo, en haut, en bas du clavier… aaah, que choisir ?
La première. La dernière.
Et Entre, toi !
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