J'ai des poux.
Est ce que ça va me laver la tête si j'écris ?
J'ai des poux. Des petits trucs qui te vous sucent le sang à même la peau. Ils n'ont rien de méchant, c'est juste leur boulot. On ne dit d'ailleurs pas "ils te démangent", on dit "ça te démange" tellement qu'ils ne sont pas responsables de leurs actes. Ils sont délocutés comme disait mon prof' de philo. Quand je pense que si on écoutait les amis de la nature, faudrait pas les tuer ces sales bêtes, mais juste essayer de les apprivoiser, de les nourrir gentillement, d'en faire peut-être des amis ou des confidents.
J'ai des poux, de plus en plus nombreux, de plus en plus affamés, à un point qu'ils me font dire des bêtises, et que je sens qu'un jour, je vais vraiment m'énerver. Eux, ils n'ont pas vraiment de raisons d'être là, ni de haine, c'est juste qu'ils sont comme ils sont. Ils n'ont pas demandé à arriver dans ces forêts capillaires où ne voit bien que celui qui est le plus haut. C'est certainement la faute à ceux qui les portent. Ils sont comme une charge inutile dans un monde qui n'a pas besoin d'eux. Alors ils n'ont plus qu'à être eux-mêmes, des sales bêtes affamées, moches en plus de tout, qui ne vivront pas longtemps même si on les laisse, acharnées jusqu'à leur mort à leur basse besogne: celle de me gratter la tête, de me faire dire des bêtises, d'avoir la haine contre eux alors qu'il sont juste des poux, de pauvres cafards minuscules, et rien d'autres.
Mais qu'arriverait il si je finissais par les aimer, les adopter, les laisser par milliers, pousser au milieu des mèches ? Si je finissais par les filer à ma famille, mes amis, ma ville ? Si je finissais par lâcher toute cette haine sourde dont, moi aussi, je pourrais expliquer enfin, que je n'ai pas d'autre choix que de la laisser proliférer ? Je fais quoi avec ces sales bêtes, ces immondes reflets déformés d'un moi bientôt exsangue ?
Alors oui, je pourrais aussi ne rien faire, devenir comme eux, m'acharner à vivre au jour le jour, à me nourrir, à exister, sans questions, à profiter pleinement du sang de l'autre jusqu'à ce qu'épuisé, il se transforme en moi.
Et qu'on soit tous avec la tête qui gratte, des poux mangés par des poux. Démangés par la peur de ne pas manger.